Biographie nationale de Belgique/Tome 1/APPELMANS, Jean et Pierre

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APPELMANS (Jean et Pierre), architectes du xive et du xve siècle. Deux artistes de ce nom passent pour avoir contribué à la construction de la magnifique cathédrale d’Anvers. L’examen critique auquel nous nous sommes livré, à l’aide des documents authentiques que nous avons découverts, nous permet de rectifier sommairement les erreurs répandues sur eux dans les ouvrages de Gramaye, Papebrochius, Scribanius, Marshall, Mertens et Torfs et plusieurs autres.

Jean Appelmans, dont Gramaye latinisa le nom en Joannes Amelius, est né antérieurement à l’année 1353, probablement à Anvers. Il décéda dans la même ville entre le 1er  avril et le 28 septembre 1395 (nouveau style). Il avait épousé, dès avant 1373, Mersoete ou Soete Buys, fille de Henri Buys, d’Anvers. Il en eut un fils nommé Pierre, mentionné ci-après. Mersoete Buys se remaria, peu de temps après la mort de son mari, avec un autre architecte, nommé Jean Sanders.

Jean Appelmans a pris part à la construction de l’église de Saint-Georges, dont les travaux étaient en voie d’achèvement au moment de son décès. Il est très-présumable qu’il a coopéré également à ceux du grand chœur de la cathédrale, commencés vers 1352 ; mais ce dernier point n’est pas suffisamment établi.

Pierre Appelmans, fils du précédent, naquit à Anvers, au plus tard en 1373 : en 1398, il était déjà majeur. La maison où il vit le jour était située au rempart dit des tailleurs de pierre, à côté de celle appelée den Dondercloot (le boulet de canon), dont l’enseigne gothique existe encore et qui a appartenu aussi à ses descendants. Ayant embrassé la profession de tailleur de pierre, comme son père, Pierre Appelmans était déjà, en 1406, parmi les principaux operarii ou ouvriers employés aux travaux de construction de la cathédrale. Quelques années après, il obtint la direction supérieure de ces imposantes bâtisses en qualité d’architecte ou maître de l’œuvre, en flamand meester van den wercke ende metselrien van Onser Vrouwen kerke t’Antwerpen.

Sous sa conduite et très-vraisemblablement d’après un plan nouveau dû à son génie, furent commencées les deux tours et la partie sud de l’église précédant le chœur. Afin de parer aux fréquentes irruptions des eaux de l’Escaut dans l’édifice, il fit poser les fondements des murs et les bases des colonnes de ces nouvelles constructions à plusieurs pieds plus haut que celles du chœur, et celui-ci fut remblayé de sept à huit pieds.

Cet exhaussement du chœur ne devait être, dans la pensée de l’architecte et de la fabrique de l’église, qu’un expédient temporaire. Effectivement, lorsqu’en 1520, après l’achèvement des nombreuses nefs et chapelles de l’église, l’état des finances eut permis d’entreprendre de nouveaux travaux, il fut résolu, afin de terminer dignement le gigantesque monument, de commencer le chœur, seule partie du plan d’Appelmans qui n’eût pas encore été exécutée.

Malheureusement, ces travaux, dont Charles-Quint lui-même posa la première pierre, le 15 juillet 1521, quoique poussés d’abord avec vigueur et arrivés en peu d’années à un grand degré d’avancement, ne furent jamais terminés. Suspendus en 1533, à la suite d’un violent incendie qui détruisit les toitures et le mobilier de l’église, qu’il fallut d’abord rétablir, ils ne furent repris, plus tard, qu’avec tiédeur. Enfin les troubles politiques, le manque de ressources pécuniaires, et, avouons-le, le développement exagéré de ces travaux, les firent abandonner totalement. On commença à les démolir à la fin du xvie siècle, et les beaux matériaux qu’on en tira comme d’une carrière, servirent à rebâtir plusieurs ouvrages de la ville et, en 1612, 1616 et 1620, les portails de la cathédrale elle-même.

Aujourd’hui, les restes des colonnes et des voûtes de la crypte à ras de terre, qui, d’après le plan d’Appelmans, devaient supporter le nouveau chœur, sont cachés sous les terres amoncelées formant le jardin du presbytère, tandis que plusieurs maisons sont adossées aux murs extérieurs et aux contre-forts de la grandiose construction.

Les soins que Pierre Appelmans a apportés aux travaux de la cathédrale d’Anvers, ne sont pas le seul service qu’il ait rendu. En 1425, il était au nombre des trois délimitateurs jurés de sa ville natale, dits en flamand gesworen erfscheyders, dont les attributions comprenaient l’examen et la solution arbitrale des différends relatifs aux servitudes, à l’usage et à la démarcation des propriétés urbaines.

Appelmans mourut à Anvers, le 15 mai 1434. Vers 1414, il avait contracté mariage avec Élisabeth Reynere, fille naturelle de Jean Reynere et de Beatrix Poirters ; mais il se sépara d’elle en 1427. De cette union, il ne naquit qu’une fille, nommée Élisabeth, qui était mariée, dès avant 1434, avec Jean Smit. Leurs descendants portèrent tantôt le nom de Smit, tantôt, et plus souvent, celui d’Appelmans ; cependant la forme Smit alias Appelmans prévalut au xvie siècle. Ils prirent part, de génération en génération, aux travaux de la cathédrale, jusqu’en 1527.

Il n’apparaît pas de nos recherches que ni Jean ni Pierre Appelmans, dont le nom est si populaire à Anvers, y aient élevé ou restauré aucun autre monument que ceux que nous avons mentionnés.

Une inscription tumulaire à leur mémoire, dont une partie seulement est venue jusqu’à nous, se voyait autrefois dans l’église de Saint-Georges, choisie pour lieu de sépulture par les deux architectes. Elle est rapportée dans l’Histoire de la ville d’Anvers par Eug. Gens, page 278.

Chev. L. de Burbure.