Biographie nationale de Belgique/Tome 7/Godefroid de Brabant

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GODEFROID DE BRABANT, Seigneur d’Aerschot et de Vierson, né à Louvain, mort à la bataille de Courtrai, le 11 juillet 1302.

Godefroid était le troisième fils d’Henri III, duc de Brabant, et d’Aleyde de Bourgogne. Ainsi que son frère Jean Ier, c’était un guerrier redoutable et si, comme politique, il fut à la fois actif et habile, il se montra, comme son frère, l’un des protecteurs éclairés du poète Adenez. Pendant la vie de Jean Ier, il l’accompagna dans ses expéditions, se constitua caution pour lui et lui servit de conseil. Il se trouvait à Londres, en 1278, lorsque le duc négocia le mariage d’un de ses fils avec une princesse anglaise. Son mariage, avec Jeanne, dame de Vierson, dans le Berry, le rattacha ensuite à la politique française, pour laquelle il manifesta toujours une prédilection marquée.

En vertu d’un accord daté du 29 novembre 1284, Jean Ier lui céda, comme constituant sa part dans le patrimoine paternel, un revenu en terres de trois mille livres, revenu que l’on composa de tout ce que le domaine ducal possédait en cens, rentes, terres cultivées, prairies, eaux, bois, vignes, juridictions hautes et basses et hommages ou tenures féodales, sauf l’avouerie des maisons religieuses, à Aerschot, Sichen, Bierbeek et dans un certain nombre de villages voisins, tant le long du Démer, d’Aerschot vers Diest, qu’aux environs de Louvain, vers le sud-est. Dans ces biens ne pouvaient être compris que deux mille bonniers de bois, outre le Haut-Bois ou Bois de Vaelbeek, que l’on n’avait pas encore mesuré. Le même jour, Godefroid reconnut que son frère l’avait complètement satisfait.

Un descendant des anciens comtes d’Aerschot, Jean de Rivieren, possédait de grands droits et de grands biens aux environs de cette petite ville, particulièrement à Gelrode, à Betecom, à Langdorp , à Testelt , à Rillaer, à Messelbroeck, etc. ; dès le 24 juin 1288, une longue convention détermina la juridiction et les prérogatives qui appartenaient, dans ces localités, d’une part, à Jean Ier et à son frère ; d’autre part, au chevalier de Rivieren.

Il est resté peu de traces du gouvernement de la terre d’Aerschot à cette époque. On sait seulement que Godefroid donna des communaux à la ville d’Aerschot, en 1294, et que celle de Sichen lui dut de nouveaux privilèges, le 25 janvier 1302.

A la journée de Woeringen, en 1288, Godefroid de Louvain se distingua aux côtés du duc. Ce fut à lui que l’archevêque de Cologne, Sifroi, se serait rendu, s’il n’avait été séparé de Godefroid par un grand nombre de combattants ; mais, un moment après, celui-ci put amener à son frère un autre guerrier de distinction, le comte de Gueldre Renaud.

En 1391, le seigneur d’Aerschot fut choisi par Jeanne de Chàtillon, comtesse de Blois, pour l’un de ses exécuteurs testamentaires. Lui et son frère aîné réclamaient alors, par-devant le parlement de Paris, les biens de Béatrix de Mont-Royal, dont la possession leur était contestée par le comte de la Marche et d’autres seigneurs. Il intervint ensuite, à plusieurs reprises, dans les querelles de Jean d’Avesnes, comte de Hainaut, contre le roi de France Philippe le Bel et Guy de Dampierre, comte de Flandre. Lorsque le roi fit arrêter Jean d’Avesnes, Godefroid, avec les Châtillon, se constituèrent les répondants du comte envers le monarque (6 octobre 1292). Plus tard lui et son frère, le duc Jean Ier, voulurent s’interposer entre les comtes de Hainaut et de Flandre, qui étaient en désaccord surtout au sujet de la possession de Lessines et de Flobecq. Ils consentirent à occuper le château du Quesnoy pendant la durée des trêves. Après avoir conclu une convention au sujet de leur différend, Guy de Dampierre et Jean d’Avesnes n’avaient plus qu’à en régler l’exécution ; Godefroid de Brabant et Jean de Dampierre furent acceptés pour arbitres, le 28 mai 1295, et prononcèrent ensuite leur sentence, » entre Lessines et l’arbre de Wannebecq « . Elle fut favorable à Guy, mais le comte de Hainaut, malgré sa promesse formelle de faire remettre le 15 juin, à Courtrai, les documents dont on pouvait tirer parti contre son adversaire, manqua à sa parole.

Une crise allait éclater. Jean Ier était mort ; la France et la Flandre ne devaient pas tarder à entrer en lutte, et le comte de Hainaut se préparait à se rattacher à la France. Godefroid de Louvain se trouvait en Brabant, en présence de son neveu Jean II, qui avait épousé Marguerite d’York et qui secondait les efforts de l’Angleterre. Le 13 août 1291, il était assez en faveur pour être choisi, avec d’autres barons, comme arbitres des différends des comtes de Luxembourg et de Bar.

Le seigneur d’Aerschot était encore, le 17 juin 1296, à Bruxelles, où il arrangea un débat survenu entre la gilde de la draperie et les béguines de cette ville. Il se rendit ensuite, le 16 octobre de la même année, à Brühl, près de Cologne, où il s’opéra un rapprochement complet entre lui et l’archevêque de Cologne, Sifroi. Il déclara s’allier avec ce prélat, de l’avis de ses conseillers et familiers, en considération de l’amitié que Sifroi avait pour lui et des avantages et secours que celui-ci pouvait lui procurer. Il promit d’assister l’archevêque contre tous ses ennemis, sauf contre l’empereur, le roi de France et son seigneur et parent, le duc de Brabant, » contre lesquels, ajouta-t-il, il ne peut, ni ne doit m’aider. Et si dans la suite, dit-il encore, le duc se laisse gouverner par mes conseils, je m’engage à négocier entre lui et Sifroi une paix qui conserve à chacun leurs droits. « Mais, loin de reconquérir son influence, Godefroid la vit diminuer de jour en jour et partit pour Paris, où il vécut honoré de la confiance du roi Philippe le Bel.

Quand le roi d’Angleterre abandonna la cause de la Flandre et que Guy de Dampierre vit son pouvoir décroître, Godefroid reparut en Brabant et bientôt y commanda pour ainsi dire en maître. Son premier soin fut d’opérer une réconciliation entre les princes des Pays-Bas, dans l’intérêt du monarque français, son protecteur, et sans grand souci de la réputation de son neveu. Sous son inspiration et celle du connétable Raoul de Clermont, Jean II s’engagea à faire des pèlerinages et à fonder des chapellenies pour l’âme du comte Florent de Hollande, comme s’il avait été complice de sa mort (12 juillet 1300). Puis le comte de Hainaut, qui était devenu aussi comte de Hollande après la mort de Jean, fils et successeur de Florent, se réconcilia avec les seigneurs de Kuyk et de Heusden. Godefroid contribua aussi à la conclusion d’un traité d’alliance entre son neveu et l’archevêque de Cologne Wicbold (14 août 1300) et d’une convention entre celui-ci et le comte de Hainaut (17 août 1300). Tous ces actes sont datés de Nimègue, où Godefroid s’était rendu pour essayer, de concert avec le duc Jean, l’archevêque Wicbold et l’évèque de Bàle, de réconcilier le roi Albert d’Autriche avec le comte de Hainaut, à qui Albert réclamait la possession de la Hollande et de la Zélande, comme fiefs échus à l’empire par défaut d’héritiers mâles. Ses efforts furent inutiles. Mais cet échec ne découragea pas l’habile politique. Le traité par lequel l’archevêque, le duc, les comtes de Hainaut et de Gueldre s’en remettent (le mercredi après les octaves de Pâques, 12 avril 1301) à Guy de Hainaut, frère du comte Jean d’Avesnes, à Godefroid et à Loef de Clèves, de tous les débats qui pourraient survenir entre eux, marque l’apogée des progrès faits par l’influence française à cette époque. Entre la Flandre asservie et le pays de Liège, où dominait la faction des » fils de France « , il n’y avait plus d’Etat qui ne l’eût subie. Les résultats de cette assemblée de Nimègue furent anéantis par une révolution imprévue.

Lorsque la Flandre se souleva contre la domination étrangère, Godefroid, qui était alors le premier et le principal des conseillers de son neveu, prit les armes pour combattre avec les Français. Il paraît que le roi Philippe lui destinait le gouvernement de sa conquête, où le seigneur de Chàtillou avait, par ses violences, provoqué les murmures les plus vifs ; le chroniqueur brabançon Van Velthem, qui était contemporain, dit aussi que Godefroid prévit les fâcheuses conséquences de l’attaque imprudente tentée par Chàtillou contre l’armée des communiers. Quoi qu’il en soit de ces deux assertions, la bataille de Courtrai vit Godefroid et Jean, son fils unique, tomber sous les coups des vainqueurs. Ce désastre fut le signal d’un revirement complet dans les agissements du duc de Brabant ; pendant quelque temps, il resta intimement uni avec les Flamands contre le roi et contre le comte de Hainaut et de Hollande.

Jean de Brabant se qualifiait seigneur de Masiers, en Berrv ; en 1300, il avait épousé Marie, dame de Mortagne, châtelaine de Tournai. Peu de temps après son décès, des hommes du peuple se présentèrent en Brabant comme étant ce jeune seigneur et son compagnon, sire Arnoulde Crainhem, et persuadèrent au public qu’ils avaient réellement échappé à la mort. Le faux Jean de Brabant, qui se nommait, paraît-il, Jacques de Ghistelles, fit enlever de l’église conventuelle des Récollets, de Bruxelles, son écusson, que l’on y avait suspendu, à un cénotaphe sans doute. La ville de Louvain le reçut avec enthousiasme, et à Mortagne il fut accueilli avec transport, mais la dame de Diest, tante de Marie de Mortagne, qui avait conclu le mariage de celle-ci, découvrit l’imposture. Butkens prétend que le fripon se retira à la cour de France ; suivant De Dynter, lui et son complice furent jetés en prison par ordre du duc Jean II et y périrent dans les tourments.

Jean de Brabant n’ayant pas laissé d’enfant, ses biens furent partagés entre quatre de ses sœurs, conformément aux ordres du roi de France et du duc de Brabant et par les soins de Marie, reine de France, sœur de Jean Ier et de Godefroid d’Aerschot. Sa décision est datée de Paris, le mardi après la Saint-Pierre et Saint-Paul, 7 juillet 1303. L’aînée, Marie, femme de Guillaume, comte de Juliers, eut pour sa part la seigneurie de Zétrud, Aerschot et Rillaer, le château de la Faubeke ou de Vaelbeek, la terre de Bierbeek, cinq cents bonniers du bois de Meerdael, Vierson, avec d’autres seigneuries dans le Berry, l’Orléanais et la Touraine, les maisons que Godefroid avait à Bruxelles, à Paris et à Bourges. A la deuxième, Isabeau ou Elisabeth, femme de Gérard, comte de Juliers après son frère Guillaume, on assigna la ville de Sichen et plusieurs villages adjacents, trois cent soixante-cinq bonniers du bois de Meerdael, le château de Masiers, en Berry, etc. La troisième, Alix, femme de Jean, seigneur d’Harcourt, devint dame d’Archennes, de Bossut, etc., et reçut en plus trois cents bonniers du bois de Berquit à Grez, cent vingt bonniers du bois de Meerdael, la Ferté et d’autres villages en Berry, etc. Enfin, la quatrième, Blanche, qui s’allia à Jean, vicomte de Thouars, fut déclarée propriétaire des deux Thielt, d’Hauwaert, de Nieuw-Rhode, de trois cents bonniers du bois de Meerdael, de domaines en Berry, etc. Il y avait encore deux autres sœurs, Marguerite et Jeanne ; mais, comme elles étaient religieuses à l’abbaye de Longchamps, près de Paris, elles durent se contenter d’une modique rente viagère.

La descendance masculine de Godefroid de Brabant s’éteignit donc avec lui et le bel apanage que son frère lui avait assigné ne tarda pas à être morcelé pour toujours.

Alphonse Wauters.

Van Velthem, Spiegel historiael. — Butkens, Trophées de Brabant, t. Ier, p. 573 et suivants. — Documents inédits.