Le Passe-partout du Caquet des Caquets

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Le Passe-partout du Caquet des Caquets



LE PASSE-PARTOUT
DU
CAQUET DES CAQUETS
DE LA NOUVELLE ACCOUCHÉE.
MDCXXII1.

Selon le dire sententieux d’un poëte très renommé parmy ceux à qui l’experience faict voile en leurs actions plus relevées, il n’y a rien qui ne suive son temps et sa mesure. Tout ce qui est çà bas de corruptible prend son train et sa cadence au niveau de son estre ; bref, tout ce qui emprunte sa lumière souz les favorables auspices du temps et de la fortune se trouve et fait ses effects à proportion de son instant et de son temps, jusques là que les moins experimentez recognoissent à veuë d’œil, dit-il, les actions humaines estre tributaires à la censure du public, et au temps qui court pour le jourd’huy.

Qu’ainsi ne soit, pendant la minorité du roy, qu’est-ce qu’un marquis d’Ancre ne faisoit point ? Depuis sa mort, M. de Luynes, que n’a-il point entrepris au prejudice de la couronne et du bien public ? De Luynes mort, comment la cour a-elle esté bastie et composée ? En effect, omnia tempus habent ; et, comme j’ay ouy très bien dire à un medecin, heritier en partie de la bosse et du sçavoir de son père, qui tastoit le poux de madame l’accouchée, à cause des assauts que la nature luy faisoit, nous devons ceder aux loix de l’amour, et toutesfois rechercher des moyens pour luy faire la nicque, si faire se peut. Ce qui ne fut pas si tost entendu par la palfrenière des bas guichets qu’elle dit à M. le medecin : Monsieur, monsieur, il vaudroit mieux que vous apprinssiez à dancer la sarabande, comme deffunt votre père, que de conseiller les dames de se servir de drogues d’apotiquaire pour passer les tranchées d’amour. Bran, bran ! il ne faut que ces meneurs d’ours pour faire finir le monde, et si au diable s’ils viendront deux fois en un logis sans tendre la patte par derrière.

Sur quoy M. le medecin, qui n’a pas grand replique de son naturel, print congé de l’accouchée fort humblement, avec un estonnement nompareil de ce que ceste garde disoit contre luy ; après la sortie duquel2 quatre dames de qualité arrivèrent en la chambre de l’accouchée, lesquelles, après avoir fait chacune la reverence à la mode, prindrent place selon leur qualité3. Ce qu’estant faict, la veufve d’un maistre des requestes, fort affligée de l’ancienne desbauche d’une sienne fille, mariée à un conseiller de la cour, homme prudent et fort bon justicier, jetta trois ou quatre souspirs, et, voulant neantmoins les simuler, commença de dire à la compagnie : Hé bien ! mes dames, apprenez-vous des nouvelles de la cour ? Le roy a-il eu Montpellier, Montauban et la Rochelle, comme l’on dict ?

À quoy sur-le-champ la femme d’un tresorier de l’Espargne respondit que ces morceaux-là ne s’avalloient pas si aysement, parcequ’ils s’estoient grandement fortifiez, et, d’autre part, que leurs voisins courroyent à toute bride pour empescher les desseins de Sa Majesté, et pour dissiper ses forces si l’on n’y prenoit garde.

— Pourtant j’ai appris, dit la femme d’un conseiller du Chastelet, qu’ils ont traicté avec le roy, et qu’ils ont asseuré, par une submission que l’on n’eust jamais creu, leurs biens, leur honneur et leur fortune, mesme le sieur duc de Rohan a esté contrainct de baiser le babouyn4.

— Quelle apparence de traicter avec des rebelles qui ont desjà faussé la foy promise, dict la femme d’un auditeur des comptes de la parroisse de S.-Mederic ! ce seroit tousjours à recommencer ; aussi je ne puis croire que le roy ait accordé avec la cabale huguenotte, que ce ne soit souz des conditions bien considerables, et qu’elle n’ait dict le peccavit plus de trois fois auparavant : car à leur subject Sa Majesté a receu mille et mille incommoditez, et a esté tellement trompée et abusée qu’il se trouvera, au bout du compte, que la couronne ait engagé plus de trente millions, et le tout par l’astuce et intelligence de ceux qui ont les charges plus honorables, lesquels se sont servis de l’occasion pour joüer à pincer sans rire.

— Comment ! Madamoiselle, voulut repliquer la tresorière, trouvez-vous qu’on ait fraudé le roy au siége de Montpellier, comme on a faict à celuy de Montauban ?

— Je ne veux pas vous dire absolument qu’on l’ait trompé et abusé de la sorte, luy respondit ceste femme d’auditeur ; mais il n’y a si simple qui ne juge qu’il y a eu de la trahison lorsque le duc de Fronsac a perdu la vie5 et que le duc de Montmorency a esté blessé6, car on sçait bien que la jeunesse veut tousjours paroistre, principalement où l’honneur engage les courages ; ce qu’ayant esté recongnu par ceux qui sont auprès du roy, et qui n’ont jamais triomphé qu’aux despens d’autruy, il est à croire qu’on s’est efforcé de faire de nouveaux princes et de nouveaux seigneurs7.

— On tient pourtant, dit la maistresse des requestes, qu’il n’y a personne auprès du roy qui puisse aspirer plus haut que le grade dont il est honnoré : car, si l’on considère la personne du connestable, c’est tout ce qu’il a peu meriter, et encore j’estime qu’il doit bien en toute sa vie payer les interests d’une telle courtoisie. Pour Desplan8, c’est un nouveau coureur de fortune, qui se doit tenir tout goguelu de son bon-heur.

La conseillère, qui sçait comment il est parvenu, se print à sourire, et souriant dict à la compagnie : Certainement c’est un bon valet ; il a bien servy son maistre, ce M. Desplan.

La maistresse des requestes, qui se plaist par fois à gausser, dit là-dessus : Vous faictes tort à M. Desplan, madamoiselle, veu sa bonne mine et son merite.

— Ce n’est pas avoir beaucoup de merite, repliqua la conseillère, de vouloir aspirer à ces honneurs dont on est indigne, et, pour y parvenir au prejudice des seigneurs de remarque et de la trop grande bonté du roy, de se servir de moyens reprochables à l’infiny. Encores si c’estoit un gentil-homme d’extraction, qui recherchast la bienveillance d’un favory à fin d’accroistre sa maison et de la rendre illustre, l’on imputeroit le project d’un tel dessein à l’ambition, qui fournit des aisles au courage et de vent en abondance pour singler jusques au havre de la fortune. Mais quoy ! sa première condition estoit d’estre lacquais, mauvais gouvernement au reste, et, après avoir quitté la mandille, a faict en sorte de se fourrer au regiment de Navarre, où estant, le sieur Cadenet allant visiter M. le Prince lorsqu’il estoit au chasteau de Vincenne, il fit en sorte de l’aborder, se servant des astuces de son pays9, et du depuis le sieur de Luynes le print en affection pour des raisons dont sa memoire seroit par trop ternie si l’on en venoit à la justification ; tant y a qu’il a esté par ce moyen bien venu auprès du roy, jusques là que Sa Majesté l’a gratifié d’un brevet de mareschal de France10.

Là-dessus la femme de l’auditeur dict tout haut : Je ne m’estonne plus de ce qu’on parle tant de ce Desplan, puis que sa bonne fortune vient par le moyen du sieur de Luynes.

— Voilà ce qui en est, repliqua la tresorière, et si je vous jure que ce que j’en dis n’est point pour mal que je luy vueille ; au contraire, j’estime ceux qui s’eslèvent de peu, et lesquels d’un neant bastissent une fortune relevée.

— Mais, à propos, dit la conseillère, que deviendra le sieur Courbouzon11 après la reduction de la Rochelle, puis qu’il a tenu pied à boule au service du roy depuis le temps qu’il est employé ?

— Vrayement, respondit la femme de l’auditeur, il ne se faut point donner peine de luy, ny se soucier de ce qu’il deviendra non plus que des autres, car ayant mandé à l’hostel de Nemours la valeureuse deffaite qu’il a faict de dix ou douze habitans de la Rochelle sortis de la ville pour abbatre leurs maisons proche les murailles, et que ce bel exploict a esté crié sur le Pont-Neuf12, asseurement il ne donnera pas sa bonne fortune pour une pièce de pain.

— Il pourra bien y donner ordre de bonne heure, dit la maistresse des requestes, s’il ne veut demeurer arrière : car à present que la cour est remplie de cadets de haut appetit et de jeunes favoris, chacun d’eux voudra partager au bon-heur et aux qualitez, en sorte qu’après la guerre l’on verra autour du roy plus de demandeurs que de deffendeurs, et, pour dire, il sera très difficile d’aborder seulement les galleries du Louvre.

— M. de Nemours l’affectionne trop, dit la tresorière, pour ne luy procurer quelque honnorable fortune, en recompence d’un si signalé service ; et puis le naturel de ce prince est si benin et si loüable qu’il le recompenseroit plustost de son propre bien qu’il vesquist le reste de ses jours avec un mecontentement.

Sur ces entrefaites, la garde de l’accouchée voulut mettre son nez et discourir de monsieur de Nemours à bonds et à vollée13 ; mais le respect que la compagnie portoit à son rang et à sa qualité fut cause qu’on luy ferma la bouche, sinon qu’on lui permit de discourir des façons de faire de la cour, voyant que le cœur luy en disoit : tellement qu’ayant prins pareatis de ce faire, elle ne fut guère honteuse de declarer son secret, qui estoit qu’au siége de Montpellier, lors que le roy perdit tant de braves seigneurs et gentils-hommes, qu’il estoit demeuré à ceste meslée un certain homme sur la place qui luy faisoit porter beaucoup d’ennuy, qui ne se pourroit jamais terminer que par la mort, quand toutes les meilleures fortunes luy arriveroyent, auxquelles neantmoins elle disoit ne pouvoir aspirer à cause de son aage, et en consideration de ce qu’on la cognoissoit quatre grands lieuës par delà les bornes de la raison.

À ce beau discours, la compagnie se print à rire, et celle qui esleva un ton plus haut, ce fut madame l’accouchée, qui mesme en petta de resjouyssance pour le moins huict ou dix fois consequtivement, à cause que du temps que ce drosle estoit auprès de ladite garde, et que sa marmitte boüilloit à ses despens, on n’eust osé lui dire bran en son nez, tant qu’elle faisoit ma commère l’entenduë. Ainsi fallut peu de chose pour sortir de la carrière et pour rompre de si bons discours qui se tenoient auparavant avec toute sorte de verité ; toutesfois, si tost qu’il fut finy, nostre maistresse des requestes, qui se plaist d’estre entretenuë en compagnie aux despens de l’honneur d’autruy, s’efforça par tous moyens de remettre en lice les autres, tant sur les traictez de guerre et de paix que sur les fraudes et malversations des chefs et conducteurs de l’armée, et sur ce qu’on avoit tant parlé du sieur de Villautray14 et de ses commis.

Sur quoy la tresorière, grandement engagée dans le combat, ne peut s’empescher de respondre que volontiers la fortune est enviée aussi bien que les beautez, et que tout ainsi que les esprits voluptueux faisoient recherche des dons plus gracieux de la nature, de mesme que l’avidité des envieux les portoit à des flatteries et à des mesdisances, pour faire faire des recherches candides contre l’obligation que l’on a fraternellement à son prochain : tellement que, si l’on avoit tasché d’obscurcir l’honneur du sieur Villautray, que ce n’avoit point esté pour l’affection qu’on portoit au service du roy, mais bien pour une rancune particulière de ce qu’il n’avoit voulu desbourcer des deniers qui n’eussent esté employez dessus ses comptes.

— Voilà une belle eschappatoire ! dit la conseillère ; je vous diray, Madamoiselle, chacun est tenu de deffendre son party, et de conserver jusques aux plus pressantes extremitez, quand mesme il n’y anroit aucune apparence de raison, principalement au temps où nous sommes, auquel il est plus necessaire de dissimuler que de dire verité, et de faindre dans les actions que de faire esclatter ce qui pourroit estre terny ; et qu’ainsi ne soit, n’est-il pas vray que si l’on parloit en compagnie du sieur Fabry15, qui du temps du feu roy se fit dire mort, et pour lequel on porta une buche dans le tombeau, craignant qu’il ne fist la capriolle, n’est-il pas vray que vous direz que cela n’est pas possible, et que ceste invention auroit esté recherchée par des justiciers pour rendre odieux ceux qui manient les finances ? Aussi je m’asseure que, si l’on enfonce le discours sur ce que le sieur de Villautray, pour se faire dire innocent du crime de peculat, qu’il a passé par la porte dorée, que vous en aurez un grand despit ; c’est pourquoy, pour mon regard, je brise là-dessus, et laisse à discourir de ce qui en est à ceux qui ont juste suject de s’en plaindre.

— Vrayement, Madamoiselle, c’est bien à vous à faire de parler des financiers comme vous faictes, vous qui ne paroissez dans le monde qu’aux despens des pauvres parties, dont vostre mary est par fois le juge ; vous qui n’auriez pas dequoy nourrir un meschant16 lacquais sans les presens que l’on vous faict, au prejudice du droict d’autruy, qui est violé la plus part du temps ; vous, dis-je, qui à peine pourriez avoir un simple cotillon de taffetas de vostre estoc, n’estoit qu’avec les espices on vous fournit de sauce. Je n’en veux dire davantage : que chacun regarde à soy.

Sur ce, l’accouchée fit en sorte de rompre le discours, craignant que la conseillère et la tresorière vinssent aux prises ; et, pour empescher que cela n’arrivast, elle fit feinte de se trouver mal, qui fut cause que l’on ne parla plus des charges et des qualitez, et sur ces entrefaites arriva Mathurine17, qui courtoisement fit la reverence à chacun particulièrement dès l’entrée de la chambre, puis s’approcha du lict de l’accouchée pour s’enquerir de sa disposition, après quoy elle print place et en compta des meilleures pour esgayer la compagnie, donnant neantmoins en passant un lardon à celles qui le meritoyent.

Madame de Verneuil, qui naguères estoit arrivée, la voulut faire jazer pour s’en donner du passe-temps ; mais elle, qui est aussi malicieuse qu’un vieux singe, après avoir recité quelques sornettes, elle ne feignit de rechercher le moyen de la picquer, parlant de la chasteté des courtisanes, et sur tout mettant sur le tapis le merite et les bonnes grâces de monsieur de Bassompierre, pour raison desquelles le roy l’avoit qualifié d’un brevet de mareschal de France : ce que l’on feignit pourtant d’escouter, affin d’obliger aucunement ladite marquise, qui ne peut l’aymer à cause de sa sœur. Mais aussi, elle partie, Mathurine fut conjurée à double carillon de dire au vray si ledit sieur de Bassompierre seroit mareschal de France18 ; et qui fut la plus portée à ceste curiosité, ce fut madamoiselle nostre conseillère, laquelle, outre sa brigue qu’elle faict, par le moyen de ses amis, de faire mettre monsieur Viguier aux mauvaises grâces de monsieur le Prince, elle croit que si la cour change de face, que son mary sera garde des sceaux ; et de la nommer, le respect des dames me le deffend, laissant au public la curiosité de s’en enquester à ceux qui mettent en contrerolle ses actions.

Suivant donc que Mathurine fut interrogée si monsieur de Bassompierre seroit mareschal, il faut croire qu’elle degoisa de luy plusieurs discours, et les causes qui avoient meu le roy de le qualifier de ce grade honorable : premièrement, que ses perfections y avoient fort operé, et puis ses agreables services, notamment ceux qu’il avoit rendus à Sa Majesté au siége de Montauban l’an passé, quand par son secours il mit en vraye deroute les ennemis, qui souz un mot feint et non retenu venoient au secours des assiegez.

— Hé quoy ! dit là-dessus la femme de l’auditeur, ne faut donc plus qu’un acte remarquable pour s’eslever auprès du roy ? Vrayement, si cela a lieu, il y aura d’oresnavant plus de mareschaux qu’il y aura d’asnes à ferrer.

— Pardonnez-moi, Madamoiselle, dit la maistresse des requestes, et si je vous dis que vous avez un peu tort de parler de monsieur de Bassompierre de la sorte, car il est de fort bon lieu, et puis il y a long-temps qu’il vogue en cour, sans faveur et sans qualité ; et d’avantage, sa bonne mine ne vaut-elle pas quelque chose de meilleur et de plus honnorable que d’avoir tousjours des Suisses pendus à sa ceinture ?

Sur ce, Mathurine dit tout haut que ses desseings n’estoient pas limitez à ce seul but, mais qu’il se promettoit d’estre connestable après la mort de monsieur Desdiguières, et qu’il le voyoit avec tant de certitude que, pour en donner l’impression à toute l’armée, tout son desduict estoit attaché aux exercices militaires, et avec plus d’affection qu’il n’eust jamais en temps de paix de faire relever sa moustache.

— Hé ! que deviendroit monsieur de Crequy19, dict la tresorière, luy qui est aussi vaillant que son espée, qui est du poil d’un martial et qui mesmes en porte les marques honorables sur le visage ? Ce seroit faire tort à sa generosité que de le priver de la recompense deuë à un grand courage comme le sien, ou, si cela luy manquoit un jour, je dirois que les astres voudroient faire la guerre à leur superieur, qui luy fut tant favorable pour renverser Don Philippin sur le pré20. Mathurine, Mathurine, monsieur de Bassompierre est trop mignard pour beaucoup entreprendre dans la fatigue de la guerre ; il vaut bien mieux qu’il se contienne en la qualité de mareschal de France, et prendre à femme madamoiselle d’Antrague, que d’esperer pretendre plus haut ; car aussi bien les fortunes sont viagères, et aussi fol est celuy qui pense faire prendre pied ferme à ses desseings, que fut autres-fois sot et maroufle le pauvre Guerin, qui servoit de plaisant à la reyne Marguerite21.

— Vous vous debattez, Madame, de la chappe à l’evesque, dit l’accouchée ; hé ! qui soit connestable qui le pourra estre, l’on est aussi bien mordu d’un chien que d’un chat. Nous en avons perdu, graces à Dieu, un qui ne valloit guères ; à present, nous en avons un qui ne fera guères mieux. Toutesfois, ce que je trouve de meilleur en luy, c’est qu’il est riche, Dieu mercy, des bons coups qu’il a fait aux eglises du Dauphiné.

— Sa richesse, repliqua Mathurine, devroit aider beaucoup à le faire homme de bien ; mais quoy ! ce qu’on doibt craindre, c’est qu’un drap retourné ne faict jamais tant de proffict comme s’il estoit à poil.

— Je vous sçay bon gré, dit la maistresse des requestes, de parler ainsi à cœur ouvert, car il est vray, la hare22 sent tousjours le fagot, et, comme disoit un jour le duc de Rosny au feu roy Henry le Grand, que Dieu absolve, lors qu’il luy demandoit pourquoy il n’alloit pas à la messe aussi bien que lui : Sire, sire, la couronne vaut bien une messe ; aussi une espée de connestable donnée à un vieil routier de guerre merite bien de desguiser pour un temps sa conscience et de feindre d’estre grand catholique.

Ce discours finy, toutes les dames prindrent congé de l’accouchée, avec promesses de la revoir le lendemain, ou le premier jour que la commodité leur pourroit permettre ; ainsi elles sortirent fort satisfaites de leurs entretiens, et aussi tost entrèrent six autres dames d’une bande, et d’un mesme quartier, lesquelles, ayant faict les salutations requises et necessaires pour la bien seance, trouvèrent les places toutes chaudes ; elles ne firent guère mistère de s’y assoir. La première qui commença le caquet, ce fut une nouvelle femme de notaire de la parroisse S.-Jacques-de-la-Boucherie, qui dit à l’accouchée : Jesus ! Madame, que vostre teinct est changé depuis que vous estes en couche !

— Comment ! respondit l’accouchée, trouvez-vous que je sois laidie beaucoup ?

— Nenny vrayement, repliqua la notaire, au contraire ; si j’estois que de vous, je tascherois d’estre souvent en couche, tant vous estes devenuë jolie.

— Cela vous plaist à dire, dit l’accouchée ; c’est que vous me voulez gratifier, car il n’y a plus de gentillesse en mon faict ; si c’estoit vous, encore, il y auroit de l’apparence, car, outre que vous estes belle de vostre naturel, monsieur vostre mary, curieux de vous conserver, mettroit plustost en gage sa vaisselle d’argent que l’on vous a donnée le jour de vos nopces que vostre beau teinct ne fust entretenu.

— Aussi il n’y a rien tel que d’estre jolie, dit sur-le-champ la femme d’un passementier de la ruë de la Vieille-Monnoye. Et sur ceste gentillesse voulant un peu discourir, et de l’appuy qu’on en tire par fois, elle fut interrompuë par la femme d’un quinquallier, homme d’honneur et grandement à son aise, laquelle fut fort peu honteuse de dire qu’elle avoit cy-devant practiqué assez d’inventions pour estre continuée aux bonnes graces d’un receveur, mais qu’elle avoit recogneu que toutes ces sortes de curiositez23 n’estoient que folies ; qu’il valloit mieux s’associer en l’honneste fortune d’un mary que d’attacher ses affections à des frivoles concupiscences, où l’honneur et l’ame se ternissent et se perdent.

Ces petits discours d’amourettes durèrent presque demy-heure entre ces trois coquettes de bourgeoises, et n’eussent esté sy tost rompus, sans que la femme d’un advocat, fort sage et discrette de son naturel, fit en sorte de changer de batterie. Pour venir à l’effect de ce dessein, elle fit feinte de se trouver mal et de s’esvanouir, ce qui les occasionna de prendre garde à elle et d’apporter tous les soulagemens que l’on peut s’imaginer aux foiblesses qui arrivent par fois aux femmes grosses, de manière qu’après estre revenuë en son premier estat, elle fut interrogée de la compagnie si elle estoit grosse, ains elle afferme qu’elle n’avoit garde de l’estre.

— Cela peut pourtant bien estre, dit la femme d’un pourpointier, jalouse au possible de son mary ; vous qui estes à vostre aise et qui avez un bon mary qui gaigne bien sa vie et qui vous ayme comme il faut, qui vous empescheroit de le devenir ?

— Je ne manque point, graces à Dieu, de toutes ces felicitez que vous me dittes, mais j’ay une affliction qui m’empeschera d’avoir des enfans.

— Hé ! quelle affliction, luy repliqua la pourpointière, Madame ?

— Madame, quoy que j’aye un bon mary, ce n’est pas tout : j’ay perdu ma mère depuis peu, j’ay une sœur malade sur les bras, et un frère nouvellement rendu des universitez, qui veut se faire advocat un de ces matins, et s’il n’est qu’un sot habillé en homme.

— Voire ! advocat ! les rues de Paris en sont pavées. Si j’estois que de vous, Madame, je ferois en sorte de le porter dans les finances ; car, ayant le bien qu’il a, il pourra paroistre un temps à ses despens pour apprendre, et puis asseurement il prendra aussi bien que les autres.

— Voilà un bon advis, Madame, dit une autre pourpointière qui a quitté la boutique pour besongner en chambre ; aujourd’huy il n’y a que d’en avoir ; chacun se mocque de la necessité, et le vray moyen de l’eviter pour le jourd’huy, c’est d’estre financier, car infailliblement la guerre ne durera, et pendant le temps il adviendra que les vieux se defferont de leur charge, ou pourront mourir ; ce qu’estant, les jeunes s’avanceront et feront leurs bourses.

— Quelque mestier que ce soit, dit la notaire, est très bon quand on y profite et quand il ne fait point perdre son maistre, ce qui se voit assez rarement ; toutesfois, si j’avois à choisir pour me pourvoir, je prendrois plustost un financier qu’un advocat.

— La femme de l’advocal s’en sentit un peu interessée, et comme estant legitimement picquée au jeu, elle ne peut s’empescher de dire qu’on n’avoit jamais veu de financiers devenir gardes des sceaux et chanceliers, mais bien garde-prisons assez souvent, lequel l’on pourroit bien voir quelque matin, la paix estant faicte, pour les obligations et malversations qu’ils avoient commis depuis que la guerre est commencée.

— Laissons là les qualitez, Mesdames, dit la quinquallière ; qui bien fera bien trouvera. Si les financiers ont desrobé l’argent du roy, comme il y a de l’apparence, le conseil en sçaura bien faire la recherche ; et ce faisant, le proffit qu’ils auront faict ne sera qu’un emprunt qu’il faudra rendre avec les interests.

— Il semble que vous sçachiez les particularitez de ces Messieurs, dict là-dessus la belle pourpointière.

— Ce que j’en sçay, repliqua la quinquallière, c’est le receveur que j’ay tant aymé qui m’en a compté une partie, et le reste, ç’a esté le sieur Gesselin, comme je discourois avec luy de la belle Angelique, qu’il a tant de peine à marier.

— Mais, à propos, Madame, dit la marchande de passement, la fille de laquelle vous parlez est-elle aussi jolie qu’elle estoit lorsque le sieur advocat la recherchoit en mariage ?

— Il s’en faut plus de la moitié, luy respondit la quinquallière, et si je doubte d’elle ce que je ne veux publier, pour le respect du sexe.

Comme ceste parole s’achevoit, la femme d’un procureur de la Cour, demeurante en l’Université, entre dans la chambre suivie d’une petite esmerillonnée24 de servante, qui se douta de ce qu’on vouloit dire de la belle Angelique ; et, ayant prins place, le caquet fut renforcé par elle, et meut les autres si fort à caqueter, que le meilleur secretaire n’eust peu rediger le tout par escrit. Neantmoins, encore que leur babilloire allast bien viste, je ne laissay d’en profiter et de remarquer ce que je jugeay pouvoir apporter du contentement aux curieux. Entre autres choses j’appris l’invention qui se praticque parmy les bourgeoises pour paroistre, quoy qu’elles n’ayent ny rente ni revenu.

Sçachez donc, suivant la relation mesme de la procureuse, que l’invention de paroistre25 a esté trouvée par les femmes de practique, depuis quinze ou seize ans en çà, à dessein d’aller au pair avec les damoiselles de race et d’extraction, et pour faire à croire qu’elles en ont, mais c’est du contant, invention qui est tournée en perfection, si perfection se doit appeller le vice ; en sorte que, pour le jourd’huy, on ne voit plus ny femme de notaire, ny de procureur, ni d’advocat, ny mesme de marchand et d’artisan, à qui la soye ne traine depuis les pieds jusques à la teste ; et pour entretenir cet estat, que se fait-il, sinon qu’un plan de cornes aux pauvres maris, qui froidement vont au Chastelet ou au Palais, tandis que leurs femmes se donnent carrière ; et qu’ainsi ne soit, demandez à Jouan, procureur, s’il n’est pas genin dans son haut de chausse ; s’il ne vous dit assurement que ouy, je veux boire un verre de vin muscat à jeun pour ma penitence. Je vous en nommerois assez d’autres s’il estoit besoing, mais je me contenteray pour le présent de celuy-là, en consideration qu’un jour il demanda acte à monsieur le lieutenant de ce qu’il venoit de trouver un homme botté et esperonné couché avec sa femme.

Passons outre, et revenons à nos marchandes : les cessions et les banqueroutes de leurs maris leur bastissent une belle fortune, sans le tour du baston qu’elles font de leur costé, et de la façon elles paroissent en damoiselles, excepté la coiffure, tesmoing ceste picque de biscaye26 de la ruë S.-Denis, qui a fait faire plusieurs fois cession à son mary, et ne laisse pourtant de tenir boutique ouverte.

Or sus, revenons au caquet de nos bourgeoises et de nostre procureuse. Si tost donc qu’elle fut assise, elle fit signe à sa servante de s’approcher d’elle, pour luy dire qu’elle s’en allast querir ce qu’elle avoit oublié, qui estoit un libelle en vers contre plusieurs filles et femmes de ceste ville. Aussi tost dit, aussi tost effectué, et à peine avoit-elle dit à la compagnie ce que c’estoit, que ladite servante revint, et apporta ledit libelle, qui fut en mesme temps presenté sur le tapis, et la lecture s’en fit par la marchande passementière, comme la plus curieuse de toutes, lequel j’ay faict en sorte de coppier, pour en contenter ceux à qui la curiosité resveille l’esprit, et à cause de la gentillesse de sa poësie :

Une petite vendant du clou
Fut apperceuë par un trou
Qui enfiloit à la chandelle ;
Un petit de nom et de faict
S’est delecté dans le caquet
Qu’on a faict depuis de sa belle.

Un grand jancu de bon minois,
Afin de violer les lois
Du sacrement de mariage,
En la maison d’un pourpointier
A fait despriser le mestier
Pour honorer le cocuage.

Un gros coquin garny d’escus,
Aspre aux plaisirs et aux abus,
Fit tant que Gaumont, tout folastre,
Luy presta sa femme à minuict
Afin d’en prendre son deduict
Puis en a faict l’acariastre.

Sur cecy la passementière change de couleur et voulut deschirer le papier où estoit escrit ces vers : à quoy s’opposa formellement la procureuse, promettant à ladite passementière que jamais personne n’auroit la cognoissance de sa part, dont elle en fut conjurée par l’Accouchée, qui neantmoins avoit dessein d’en rire une autre fois plus particulièrement. Ainsi ce papier fut reserré, et commença-on de cacqueter de ceste sorte :

— À propos, Madame, dit la femme de l’advocat, est-il vray qu’on doit publier un edict pour la reformation des habits27, et que Chalange28 en doit entreprendre l’execution29.

— J’en ay aucunement entendu parler, respondit la procureuse ; mais pourtant je ne le puis croire, car il s’est trouvé trop empesché à l’edict des procureurs30.

— Neantmoins, repliqua l’advocate, on en bruicte fort par la ville, et dit-on de plus qu’il passera plus facilement que nul autre qui ait passé depuis deux ans31, parce que ou les ambitieux, pour paroistre, donneront de l’argent en forme de rente, si on l’accorde ; ou bien chacun sera cognu selon sa qualité.

— Hé ! qu’importé d’estre cogneu par sa qualité, pourveu qu’on ait force pistoles, dit l’accouchée ?

— Non, non, Madame, respondit d’affection nostre advocate, il est bien necessaire de proceder à ceste reformation ; l’argent n’est rien au respect des mœurs, et certainement il est plus à propos d’honorer l’ame de belles actions que de parer son corps de beaux vestements, qui ne servent en effect que de desguisement quand on y apporte tant de sorte d’inventions.

La marchande passementière, qui voyoit bien que c’estoit d’elle qu’on parloit particulièrement, fit forme d’avoir affaire à son logis, et sur ce discours print congé de la compagnie. La sortie de laquelle apporta une plus grande licence de parler d’elle ; et qui en entama le discours, ce fut la procureuse, qui dict : Vrayement, la marchande qui vient de sortir a bien changé de poil depuis qu’elle a quitté sa boutique ; la cognoissez-vous bien particulièrement, Mesdames ?

À ceste demande, personne ne voulut respondre que la petite affetée de notaire, qui dict que du temps qu’elle estoit fille on en parloit fort, et qu’elle alloit la nuict trouver un certain homme pour coucher avec luy, et qu’affin de n’estre recognuë qu’elle prenoit un habit desguisé.

— Son mary estoit donc aux champs quand elle faisoit ce train-là ? respondit la procureuse.

— Non, non, Madame, luy repliqua la notaire ; c’estoit luy-mesme qui luy faisoit aller, et ceste façon de faire a duré deux ans et plus, et puis le badin en est devenu jaloux jusques là que de l’avoir accusé d’adultère.

— Madame, Madame, soulagez un peu l’honneur de vostre voisine, luy dit la quinquallière ; on ne sçait pas ce qui nous peut arriver : toutes choses estans sujettes aux changemens, il faut peu de chose pour nous renverser veritablement.

La quinquallière avoit raison de parler de la sorte, car elle a les talons si cours qu’il ne faut la pousser guère fort pour la faire choir, et de cecy je m’en rapporte à ce qui en a esté escript et produict, ainsi qu’il se voit par le libelle cy-dessus, extraict des memoires curieux d’un des beaux esprits de ce temps qui la cognoit assez familièrement.

Cet entretien commença de desplaire à l’accouchée ; aussi elle fit en sorte de faire signe à la garde de luy apporter la colation, ce qui occasionna les bourgeoises de sortir et de prendre congé d’elle, au moyen de quoy elle print relasche d’une demy-heure ; et après ce temps une autre compagnie vint la saluer, qui se tint avec elle jusques au soir.

Les discours que ceste compagnie tint n’ennuyoient pas l’accouchée comme les autres : car on n’usa jamais de mesdisance, sinon qu’une mercière de la ruë de la Harpe, enquesteuse au possible des affaires d’autruy, comme on parloit de la misère du temps, accusans en partie la sienne, ne peut s’empescher de parler d’un de la vacation de son mary, qui a quitté sa boutique du Palais pour faire faire monstre à ses filles ; elle n’eust garde de dire que sa boutique estoit toute remplie de nenny, que son mary faisoit passer les conventions matrimoniales par la forest d’Angoulesme32, ny qu’elle toleroit la desbauche de sa servante à cause qu’elle n’avoit dequoy luy payer ses gages ; aussi c’eust esté mal à propos de parler de la maison et de ce qu’il s’y faict, puis qu’on en parle assez en Bretagne et en Normandie.

Or, après qu’une certaine gantière assez cognue, quoy que sa mère soit garde d’accouchée, voulut mettre son nez au caquet, et commença de parler d’un procez que son mary avoit contre un advocat, la perte duquel elle redoutoit fort si elle ne s’y employoit de cul et de teste…

— En craignez-vous la perte ? luy dict la femme d’un commissaire qui a pris la vache et le veau. Vraiment, puisque vous avez de l’argent, comme l’on dict, vous avez beau moyen de le gaigner.

— À la verité, repliqua la gantière, si les conseillers de la Cour sont aussi friants de presens comme ceux qui ont rendu la sentence dont est appel, je suis asseurée d’avoir gaigné la cause.

— Madame, Madame, luy dit une grosse damoiselle de Normandie qui logeoit naguères chez un chirurgien, j’en ay gaigné pour le moins une douzaine au Parlement, sans que j’aye employé d’autre faveur que mon industrie ; c’est pourquoy vous pouvez beaucoup, vous qui estes de bonne grâce, qui avez si beau maintien.

— Je m’asseureray donc, respondit la gantière, en la faveur de vostre bon conseil, duquel je vous remercie et vous en baise bien humblement les mains.

— Vous parlez de procez ? dict l’accouchée.

— C’en est faict, respondit la damoiselle, et puis c’est d’un qui n’est pas de grande conséquence.

La femme d’un procureur du Chastelet qui demeure en la ruë S.-Martin, suivant ces entrepropos, commença et dit : Je ne sçay quels procez il se faict depuis dix ou douze ans, car je vous asseure qu’encores que mon mary soit des anciens, que son estude est aussi seiche qu’une langue de bœuf parfumée ; la pluspart du temps il ne fait rien que bayer aux corneilles et jazer avec un voisin que nous avons qui fait des luts. Nous avons un fils advocat qui ressemble les tapis que mettent les marchands sur leurs boutiques, car il ne nous sert que de monstre ; et ce qui m’afflige plus sur mes vieux ans, c’est que j’ay de trop grandes filles qui perdent leur temps faute d’ouvrage.

— Je vous plainds, je vous asseure, Madame, luy dict une jeune damoiselle qui a espousé le fils d’un medecin, d’autant que mesdames vos filles sont assez advenantes ; toutesfois, Madame, j’estimerois que vous ne ferez pas mal d’en mettre quelqu’une en religion.

— En religion ! respondit cette procureuse ; vrayment, il faut autant d’argent pour le jourd’huy pour y mettre une fille comme à la mettre en son mesnage ; je m’y suis assez employée pour ma grande, lorsque je l’ay veuë reformée en ses habits ; mais je n’y ay rien gaigné.

Là-dessus une esrattée de perruquière de la mesme ruë, voulant donner son advis, et enseigner un moyen de mettre lesdites filles en religion, parla de celles où sont les capucines33 ; mais à ceste objection ladite damoiselle luy respondit que c’estoient discours, et qu’il y falloit avoir de l’argent aussi bien qu’ailleurs, ou bien de grands amis qui procurent le moyen d’y entrer.

Une bourgeoise de la rue Quincampois, ayant dessein de terminer l’affliction de la procureuse, luy dit : Madame, ne vous affligez point tant de vos filles ; Dieu y donnera ordre à les pourvoir, et fera que quelques uns de ses bons serviteurs y mettront la main. On parle, ce dit-elle, d’une nouvelle religion ou les filles de maison seront receuës à peu de fraiz, et si dit-on d’avantage, que nostre evesque34, à son advenement, veut faire largesse pour ce subject35.

— Ce sera un grand bien pour son ame, dict la femme d’un greffier ; s’il donnoit une année ou deux de son revenu pour pourvoir quelques filles, ou en religion ou au mesnage, en retranchant un peu son train, il obligeroit icelles à prier pour soy.

Ces propos achevez et finis, arrivèrent encores quelques bourgeoises d’une mesme compagnie, desireuses d’entretenir madame l’accouchée de plusieurs choses qui courent parmy le monde, et de plusieurs façons de faire qui s’y pratiquent ; les autres, qui estoient arrivées il y avoit assez longtemps, prindrent honorablement congé peu de temps après ceste arrivée, et après leur sortie une parfumeuse de la ruë S.-Sauveur commence de dire : Nous faisons un beau silence, pour estre venuës visiter une accouchée.

— Je vous asseure, Madame, luy dict une de ses voisines, qui est femme d’un tapissier, j’ay si mal à la teste des discours qu’on tient de nous, que j’en ay les jouës toutes rouges.

— Là, là, luy respondit la parfumeuse, ce n’est pas là où le bast vous blesse ; c’est que vous faites la fine pour jouër les deux.

La tapissière là-dessus repliqua qu’il n’appartenoit à jouër les deux qu’à la femme d’un tailleur d’auprès la ruë des Prouvelles, parcequ’elle entretenoit son mary en amytié et sans jalousie, et si un petit procureur du Chastelet ne laisse pas de captiver ses bonnes graces.

— Comment, dit aussi tost une frippière d’auprès la Tonnellerie, la petite tailleuse ayme la chiquanerie ? Vrayment, je ne m’estonne plus s’ils vont si souvent aux champs ensemble.

— Ce n’est pas où ils font leurs meilleurs coups, dit encore la tapissière ; mais c’est au logis de Paris : car assez souvent le procureur prend occasion d’aller joüer au picquet avec le mary, et ainsi il choisit son heure.

— Hé ! si cela est sçeu à la cour, dit la parfumeuse, luy qui veut avoir un office chez le roy, ce sera une grande incommodité pour le Louvre.

Chacune de ces bourgeoises, à ces paroles, se prindrent à rire de si grand courage qu’il sembloit à les entendre que ce fussent des asnesses dans un pré qui brayassent pour estre couvertes. Et moy qui parle, je fus contrainct, quoy que caché à la ruelle du lict, d’en destacher mon esguillette, craignans de pisser dans mes chausses.

Cecy finy, elles commencèrent à caqueter et à discourir du comte Mansfeld36. L’une disoit qu’il est un grand capitaine pour un Allemand ; l’autre soustenoit qu’il n’avoit pourtant pas grand courage. Une autre, qui avoit le jugement un peu plus solide, dit qu’une bonne fuitte valoit mieux qu’une mauvaise attente, et qu’il y avoit plus d’honneur à laisser le champ à ceux qui tiennent en main la victoire que de recevoir une perte dommageable au proffit et à l’honneur, et puis, qu’ayant les gouttes comme il a, que malaisement eust-il trouvé du secours pour l’en soulager, si ce n’eust esté en perdant la vie. En fin, après tant de sortes de comptes et de sornettes, la nuict s’approcha, qui fut cause que chacune se retira à son enseigne.



1. C’est, dans le Recueil général : La cinquiesme journée et visitation de l’Accouchée.

2. Var. du Recueil général : Je me mis à entretenir l’Accouchée, et peu après…

3. Var. : Et moy, je pris la mienne ordinaire au cabinet.

4. On peut lire dans les mémoires du duc lui-même comment il fit sa paix avec le roi dans les conférences d’Alais, et à quelles conditions pour son parti et pour lui-même cet arrangement définitif fut conclu. (Coll. Petitot, 2e série, t. 18, p. 440–455.) — « Baiser le babouin, sorte de proverbe pour dire : faire des soumissions à quelqu’un avec lequel on étoit brouillé. » Richelet.

5. Le duc de Fronsac, fils du comte de S.-Paul, qui servoit comme volontaire au siége de Montauban, fut tué dans une sortie. (Mémoires du sieur de Pontis, liv. 5, 1622.) Il avoit vingt ans à peine et n’étoit arrivé que depuis un jour devant la place. (Mercure françois, t. 8, p. 814–815.) Le roi écrivit des lettres de consolation au comte et à la comtesse de S.-Paul. (Ibid.)

6. « M. de Montmorency y fut blessé ; le duc de Fronsac, le marquis de Beuvron, Hoctot, le baron de Canillac, Montbrun, L’Estange, Lussan, Combalet et plusieurs hommes de commandement, furent tués. » Mém. de Richelieu, Coll. Petitot, 2e série, t. 22, p. 222.

7. Ce n’est encore ici que l’écho d’un bruit qui couroit ; on avoit même été jusqu’à conseiller aux seigneurs, à M. de Montmorency en particulier, de ne pas trop s’engager dans les expéditions entreprises par le connétable. « Et puis faites-vous assommer pour deffendre telles gens, qui ne demandent que la mort d’autrui pour attraper leur dépouille ! C’est pourquoy M. de Montmorency doit prendre garde de se trop engager en la guerre de Languedoc ; que si par malheur il luy arrivoit d’estre tué, ils se mocqueroient de luy en se revestant de ses charges. » Méditation de l’Hermite Valérien. Recueil des pièces les plus curieuses, etc., p. 332. — Si, dans le profit qui en est le résultat, il peut être juste de chercher la raison d’un crime, on peut dire que pour la mort du duc de Fronsac, reprochée ici au connétable et à ses frères, cette raison semble un peu exister. Cadenet, l’un des frères, avoit enlevé au jeune duc, pour l’épouser lui-même, la riche héritière du vidame d’Amiens. En dédommagement, il devoit lui donner le domaine de Château-Thierry, 100,000 livres, et, de plus, on s’étoit engagé à lui faire épouser l’héritière de Luxembourg. Or cette promesse, nous en avons la preuve dans le Contadin provençal, n’avoit pas encore été réalisée quand la mort de M. de Fronsac vint si heureusement rendre les trois frères quittes de cette dette et des autres. Recueil des pièces les plus curieuses, etc., p. 19, 106.

8. Ce parvenu de bas étage, sur lequel cette page des Caquets donne des détails que nous avons vainement cherchés ailleurs, ne resta pas long-temps en faveur. Il tomba avec Toiras, Bautru et quelques autres, par la volonté de Richelieu, et malgré celle de Louis XIII lui-même. « Desplan, Bautru, Toiras, lit-on dans les Mémoires du Cardinal, sont chassés par proposition non approuvée. » Coll. Petitot, t. 18, p. 329.

9. C’est dans cette entrevue de Vincennes que le frère de Luynes fit avec menace au prince prisonnier les propositions singulières dont il est ainsi parlé dans la Chronique des favoris : « Cadenet n’a-t-il pas esté si outrecuidé que de menasser M. le Prince qu’il ne sortiroit du bois de Vincennes s’il ne consentoit de luy donner en mariage madame la princesse d’Orange, qui en est morte d’apprehension. » Recueil des pièces les plus curieuses, etc., p. 466.

10. Il y a ici erreur : ce n’est pas Desplan, mais Toiras, et encore plusieurs années après, le 13 déc. 1630, qui fut gratifié d’un brevet de maréchal de France.

11. Ce M. de Courbouzon ou Corbezon est le même sans doute qui, lors de l’assassinat du roi, dont on accusoit les ligueurs et l’Espagne, empêcha qu’on massacrât l’ambassadeur de cette puissance. Lettres de Malherbe à Peiresc, p. 144.

12. Voici le titre exact de la pièce qui répandoit ainsi la renommée de M. de Courbouzon : La furieuse escarmouche faite sur les Rochelois par le sieur de Courbouzon, lieutenant de la compagnie de M. le duc de Nemours, estant en l’armée du roy, devant la Rochelle, commandée par Monseigneur le duc de Soissons. Paris, P. Ramée, 1622, in-8.

13. À tort et à travers. C’étoit une locution des jeux de paume. Charron dit à bonds et voles. (La Sagesse, liv. 2, ch. 1.)

14. Le sieur de Villautrais est un des partisans, scandaleusement riches, les plus maltraités par les pasquins du temps. V. la Voix publique au roy, Recueil E, p. 241 ; la Chasse aux larrons, p. 90. Il est aussi nommé dans les Contreveritez de la cour. (Recueil cité, p. 63–66.)

15. Fabri, seigneur de Champauze, trésorier de l’extraordinaire des guerres. Sa fille épousa le chancelier Séguier. Il est parlé de lui en d’assez mauvais termes dans le libelle de J. Bourgoin, la Chasse aux larrons, Paris, 1618, in-4, p. 45, et dans la Voix publique au roi. (Recueil E, p. 210.)

16. Var. Pauvre.

17. Fameuse folle de cour qui occupe tout un chapitre de la Confession de Sancy, et la même, croit-on, que Pierre Colins, allant faire hommage à Henri IV pour la terre d’Enghien, dit avoir vue à la table royale. (Hist. des choses les plus mémorables, etc., p. 729.) En 1622, elle avoit encore de la cour une pension de 1,200 livres. (Nic. Remond, Sommaire traité du revenu, etc. 1622, in-8., ad fin.) Mathurine couroit les rues et étoit le jouet des laquais et des marmots. V. à la fin de ce volume les Essais de Mathurine. — On appeloit alors maturinades une sorte de satire burlesque. (Remerciment de la voix publique au roy pour la disgrâce de M. de la Vieuville. Recueil F, p. 46.)

18. Il le fut, en effet, peu de temps après, en 1622 ; sa conduite à Montpellier, et surtout dans l’affaire des Sables-d’Olonne (Tallemant, édit. in-12, t. 4, p. 198), l’en avoit réellement rendu digne.

19. Le maréchal de Créqui, gendre de Lesdiguières, à qui le titre de connétable revenoit un peu par droit d’alliance, beaucoup par droit de courage. Il ne l’eut pourtant pas : il n’hérita de son beau-père que du titre de duc de Lesdiguières.

20. L’affaire de D. Philippin, bâtard du duc de Savoie, avec M. de Créqui, seroit trop longue à raconter ici ; il suffira de rappeler qu’après d’interminables retards apportés par le bâtard, un duel eut lieu enfin entre lui et le duc, le 1er juin 1599, à Quirieux. M. de Créqui, après un combat de quelques minutes, le perça de deux coups d’épée et de deux coups de poignard, dont il mourut peu de jours après.

21. «… Elle avoit chez elle un certain bouffon, nommé Guérin, qui prenoit la qualité de maître des requêtes de la reine Marguerite et de son orateur jovial. Il portoit une robe de velours, une soutane de satin noir avec un bonnet carré. Ce bouffon, tous les jours, ne manquoit pas de monter sur le théâtre qu’elle avoit fait dresser dans son palais du faubourg S.-Germain, à l’un des bouts de la grande salle. Comme elle prenoit grand plaisir à l’écouter, il n’épargnoit pas les mots les plus infâmes. Il continua à faire ce beau métier tant qu’elle vécut ; il en fut assez mal récompensé : il mourut de misère. » (Sauval, Galanteries des rois de France, etc., suiv. la copie imp. à Paris, 1721, in-12, t. 3, p. 70.) Guérin dirigeoit les ballets de la cour. Lettres de Malherbe, p. 327. V. aussi sur ce bouffon nos Variétés hist. et litt., t. 1, p. 220.

22. Branche pliante, lien des fagots. La corde des pendus prenoit aussi ce nom. (V. le Roman du Renard, vers 7854.) De là l’expression : peine de la hart.

23. Var. : Courtoisies.

24. Vive comme l’émérillon, sorte de faucon.

25. Le paroistre, comme il est dit ici, étoit le ridicule de l’époque. D’Aubigné s’en prend surtout à cette manie d’ostentation, dans son Baron de Fæneste. Le nom même du héros, qui n’est que le verbe grec signifiant paroître ingénieusement francisé, en est une preuve. Dans un livret très rare du même temps, on s’explique ainsi, de la façon la plus claire, sur le mot et sur la chose : « … Un ramoneur lombard, entendant les merveilles des bottes…, jura… qu’il se viendroit icy naturaliser et en achepter deux paires pour se rendre estafier chez quelque honneste homme à bottes, et tascher par ce moyen de parestre (c’est le mot qui court) et faire ses affaires s’il pouvoit. » La mode qui court à présent et les singularitez d’icelle, ou l’ut, re, mi, fa, sol, la, de ce temps, Paris, Fleury Bourriquant, 1613, in-12, p.12.

26. C’est-à-dire se donnant des airs de commandement. La pique de Biscaye étoit, sous Charles IX, l’arme des colonels.

27. Louis XIII, en cela, n’eût fait qu’imiter son père, qui ne fit pas moins de trois édits contre les clinquants et dorures : l’un en 1594, le second en 1601, le troisième en 1606. C’est de ce dernier, enregistré au Parlement le 9 janvier 1607, que Régnier a parlé dans sa 8e satire, v. 72 :

.  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  À propos, on m’a dict
Que contre les clinquants le roy faict un edict.

Le projet d’ordonnance dont il est question ici fut, du reste, réalisé quelques années après, en 1627. Nous trouvons à la suite d’une pièce parue alors, le Tableau à deux faces de la foire Saint-Germain, etc., Paris, 1627, in-12, p. 10, une Consolation aux dames sur la réformation des passements et habits qui venoit d’avoir lieu par ordonnance royale.

28. C’est le même partisan, l’un des plus riches alors, qui est nommé dans ce passage de la 16e satire de Régnier :

Suis jusques au conseil les maîtres des requestes,
Ne t’enquiers, curieux, s’ils sont hommes ou bestes,
Et les distingue bien : les uns ont le pouvoir
De juger finement un procès sans le voir ;
Les autres, comme dieux, près le soleil résident,
Et, démons de Plutus, aux finances président :
Car leurs seules faveurs peuvent, en moins d’un an,
Te faire devenir Chalange et Montauban.

Ce dernier ne s’appeloit Montauban qu’à cause de sa ville natale ; son vrai nom étoit Moysset. Il étoit trésorier de l’Épargne. V. la Chasse aux larrons, p. 21.

29. Chalange se mêloit de toutes ces grosses affaires ; il achetoit pour ainsi dire la promulgation de tout édit onéreux, et tenoit compte d’une part des profits aux ministres à qui il l’avoit fait rendre. Sa faveur étoit ainsi devenue très grande à la cour. « Ainsi voit-on que Chalange et autres tels partisans, dit le Contadin provençal, ont plus d’accès aux favoris que les grands et les vieux conseillers de l’État. » (Recueil cité, p. 98.)

30. C’étoit un de ces édits comme il y en eut tant de promulgués alors contre les gens de justice. Il fit crier autant au moins que la revente des greffes, qui, selon un libelle du temps, fut cause que le roi « fut volé de six millions de livres », dont s’enrichirent les partisans. (Raisons de la reine-mère, dans le Recueil des pièces curieuses, etc., p. 275.) Toute la basoche, qu’on rançonnoit, fut en émoi de cet édit des procureurs, et ce qu’on dit ici des empêchements qu’y trouva Chalange semble assez naturel quand on sait à qui il avoit affaire et ce qu’il demandoit. « Les trois quarts de vostre vermine de procureurs étoient reduits au bureau des Innocents, faute d’avoir de quoy satisfaire à l’edit, dont on s’est tant tremoussé dans vostre palais. » (Advis donné au roi, etc., Recueil, etc., p. 139–140.) V. encore sur cet édit l’Anti-Caquet, à la fin de ce volume, et nos Variétés hist. et littér., t. 1, p. 215–216.

31. On n’étoit pas dupe des raisons qui faisoient promulguer ces lois successives, « tant d’edits nouveaux, dit un pamphlet du temps, contre Luynes et les partisans ses créatures, qui ne servent que pour affliger le pauvre peuple, et ne sont inventez que pour assouvir leur avarice. » (Le Contadin provençal, Recueil, etc., p. 98.)

32. Par la bouche, expression tirée du vieux mot engouler.

33. Les capucines s’étoient établies, de 1604 à 1606, dans le couvent qui a gardé leur nom.

34. C’est Jean-François de Gondi, qui, de doyen de Notre-Dame, devenoit évêque de Paris. Il fut sacré le 19 février 1622, et, d’après cette date, on peut voir exactement à quelle époque fut écrite cette partie des Caquets. Il ne faut pas s’étonner du mot évêque employé ici : c’est le titre que portoient encore les prélats du siége de Paris. Ce même François de Gondi fut le premier qui l’échangea pour celui d’archevêque.

35. La nouvelle religion dont il s’agit, et pour laquelle on réclame les largesses de l’évêque, est la maison des Ursulines de la rue Sainte-Avoye. D’abord communauté de quarante veuves, elle étoit devenue ensuite maison de Béguines, et le 31 janvier 1622, par suite d’un concordat entre les Béguines, le curé de Saint-Merry et les Ursulines, celles-ci avoient pris possession du couvent. Ce concordat, que confirmèrent des lettres-patentes de février 1623, obtint, en effet, l’approbation de l’évêque François de Gondi ; mais nous ne savons pas s’il fit davantage pour les Ursulines.

36. Le comte Ernest de Mansfeld, ne trouvant plus à vivre ni dans le Palatinat ni dans l’Alsace, qu’il avoit ruinés, s’étoit mis à menacer la Champagne. Il avoit passé la Meuse, et s’étoit logé en vue de Monzon. La peur avoit été grande par toute la France quand on avoit su cette entreprise ; on trembloit surtout qu’il ne vînt donner la main aux huguenots rebelles, et que M. de Bouillon ne lui ouvrît ses places frontières. Il n’y avoit que les gens d’expérience qui ne partageassent pas cette panique, dont font foi toutes les pièces du temps (les Grands jours tenus à Paris par M. Muet, etc., p. 29 ; les effroyables Pactions faites entre le diable et les prétendus invisibles, etc., p. 21). Malherbe fut de ces gens rassurés ; très tranquille, il écrivit de Caen à son amy Colomby, qui trembloit à Paris : « Pour Mansfeld, nous en avons ici de meilleures nouvelles que les vostres. On m’escrit du 9e de ce mois qu’il est sur le point de se retirer. Il ne faut pas voir trop clair pour connoître que l’homme de la frontière est de ceux qui l’ont attiré ; mais il est en possession de reussir mal en tout ce qu’il entreprend. Voilà pourquoy, si de ceste nuée il sort pluye, gresle, ny aultre sorte de mauvais temps, je veux que vous me teniez pour le plus ignorant astrologue qui jamais ait regardé les étoilles. » Malherbe avoit raison : ce qui suivit justifia pleinement sa quiétude confiante, dont témoigne encore sa lettre à Peiresc du 28 juillet 1622. Mansfeld fit un premier accord avec M. de Nevers, puis, s’étant approché de Sedan, et après avoir vu sans doute qu’il ne falloit pas faire trop grand fonds sur les forces et sur la parole de M. de Bouillon, il quitta notre frontière et tira sur le Hainaut. Il y trouva l’armée espagnole commandée par D. Gonzalès. Une bataille fut livrée dans les plaines de Fleurus, après laquelle Mansfeld, à demi défait, battit en retraite, abandonnant tous ses équipages. (Mercure françois, t. 8, p. 708–752.) C’est de cette dernière affaire, qui achevoit de les rassurer, que parlent nos caqueteuses.