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Pagina:Stijl vol 03 nr 01 p 001-012.djvu/10

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caractère d’un personnage se dessine à travers une série de faits, et veut à tout prix se donner l’illusion que le personnage existe réellement, pour en admirer la valeur artistique, et ne veut pas admettre cette valeur si l’auteur se contente d’indiquer le personnage par quelques traits. 2. — C’est idiot de subir le préjugé de la théâtralité, quand la vie elle-même (qui est constituée d’actions infiniment plus entravées, plus réglées et plus prévues que les actions artistiques) est presque toujours anti-théâtrale et offre néaumoins d’innombrables possibilités scénoques. Tout ce qui a une valeur significative est théâtral. 3. — C’est idiot de satisfaire les goûts primitifs et vulgaires de la foule, qui exige la victoire du personnages sympathique et la défaite du personnage antipathique. 4. — C’est idiot de se soucier de la vraisemblance, étant donné que la valeur artistique et le génie n’ont rien de commun avec elle. 5. — C’est idiot de vouloir expliquer avec une logique minutieuse tout ce qu’on représente, étant donné que la vie nous ne parvenons jamais à saisir un événement tout entier, avec toutes ses causes et touses ses conséquences, et que la réalité vibre confusément autour de nous et sur nous avec ses rafales de fragments de faits combinés, encastrés les uns dans les autres, mélangés, entrelacés, chaotisés. Par exemple: c’est idiot de représenter sur la scène toujours avec ordre et clarté logique une dispute entre deux personnes, du moment que les spectacles de la vie nous offrent seulement des lambeaux de dispute auquels nous assistons un instant dans un tramway, un café, une gare, et qui restent cinematographiés dans notre esprit comme des symphonies dynamiques fragmentaires de gestes, mots, bruits, lumières. 6. — C’est idiot de subir la règle du crescendo, de la préparation et du maximum d’effet final. 7. — C’est idiot de voulour imposer à son génie le poids d’une technique que tous, même les imbéciles, peuvent acquérir à force d’étude, de travail et de patience. 8. — C’est idiot de renoncer aux merveilleux bonds qu’il faut faire dans le mystère de la création totale, loin de tous les terrains explorés.

DYNAMIQUE, SIMULTANÉ,

c’est-à dire jailli de l’improvisation, de l’intuition foudroyante, de l’actualité suggestive et révélatrice. Nous croyons qu’une chose a de la valeur en art parce qu’elle est improvisée (heure, minute, seconde) et non pas préparée longuement (mois, années, siècles). Nous avons une invincible répulsion pour la pièce travaillée sous la lampe sans se soucier du milieu où elle sera représenté. Toutes nos pièces ont été écrites dans le théâtre même. Les salles de théâtre sont pour nous des réservoirs inépuisables d’inspirations: le magnétisme circulaire qui philtre dans une salle de théâtre vide et dorée, l’après-midi, durant une répétition, parmi les cerveaux las et les nerfs décousus des acteurs, le ton machinal et la voix d’un acteur qui nous suggère la possibilité d’y bâtir dessus un ensemble paradoxal de pensées, un mouvement de décors qui devient en nous le point de départ d’une symphonie de lumière, la gorge exubérante d’une actrice qui suscite dans notre esprit des conceptions pleines d’étranges raccourcis plétoriques, etc.
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Nous fraternisions avec les acteurs. Puis, dans l’insomnie créative de nos voyages nocturnes, on discutait et préparait de nouvelles synthèses, en fouettant nos génies aux rhythmes bruyants des tunnels et des gares. Notre théâtre futuriste se moque de Shakespeare, mais tient compte en révanche d’un cancan d’acteur, s’endort à une scène de Ibsen et s’enthousiasme aux reflets rouges ou verts des fauteuils d’orchestre.
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AUTONOME, ALOGIQUE, IRREÉL.

La synthèse théâtrale futuriste n’est plus soumise à la logique et ne contient plus rien de photographique. Elle est autonome, ne ressemble qu’à elle-même, tout en tirant de la réalité les éléments qu’elle combine capricieusement. Aussi bien que pour le peintre et pour le musicien, il existe pour le génie tréâtral une vie spéciale qui ne regarde que lui, une vie théâtrale éparpillée un peu partout dans le monde extérieur, mais qui se distingue de toutes les autres vies, une réalité formée d’idées, mots, couleurs, formes, sons et bruits de théâtre. C’est de cette réalité théâtrale que se nourrit le théâtre futuriste.
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